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Routier au long cours de la scène punk des eighties, Manu Castillo alias Tio Manuel a fait ses premières armes avec les Spoons en 1980 avant de rejoindre Wunderbach deux ans plus tard et de prendre une place de choix au beau milieu des Oberkampf, Porte Mentaux et autres La Souris Déglinguée. Jamais vraiment rangé des amplis, Manu passera invariablement au fil des années des brûlots rock aux créations plus proches du blues et de l’Americana et, en véritable caméléon de la musique, se fondra à chaque fois parfaitement dans le paysage pour le plus grand plaisir d’un public qui apprécie autant son énergie débordante que ses immenses talents de songwriter. Pour son septième album personnel, Tio Manuel a une fois encore choisi les rythmes du Sud de l’Amérique et l’usage de l’Anglais et de l’Espagnol, autant de composants qui collent parfaitement à un ouvrage qui se veut pour le moins désabusé avec en trame de fond les événements peu réjouissants qui se produisent actuellement à la frontière entre les Etats Unis et le Mexique. Sur fond d’exclusion, de check points infranchissables et de murs de la honte, « The 7th Road » va tenter le pari de créer du beau tout en brossant un état des lieux pour le moins négatif. Pour y parvenir, il ne faudra pas moins que les guitares et résonateurs de Gilles Fégeant, les claviers de James Leg, la basse de Silvio Marie et la batterie de Léon Téoquer mais aussi le violon de Melissa Cox qui vient mettre une pointe de sel dans un paysage où l’on entrevoit des pièces originales comme « Flamingo Blues », « Shinny Girl », « Amarillo y Azul », « San Jose Junction » ou encore « La Ruta Escondida » et où la seule reprise sera celle d’un « Love In Vain » beaucoup moins célèbre que celui de Robert Johnson puisque celui-là a été emprunté aux Ruts de Malcolm Owen. On imagine au loin les grincements de la mécanique brinquebalante d’une vieille américaine un peu délabrée, le bruit du roulement monotone des pneus sur l’asphalte brulant des routes de l’Arizona et le frottement du vent qui rythme le voyage sur « The 7th Road », une route qui nous mènera loin, c’est certain, quand bien même on ne sait pas vraiment où elle s’arrêtera…

Fred Delforge