Tio manuel : ocho ! ou le huitième album d’un guitariste aventurier
Par Franco Onweb
Et voilà le huitième album de Tio Manuel et c’est la meilleure nouvelle de ce début de printemps. Depuis la création de ce site, j’ai toujours suivi la carrière de Manu Castillo, alias Tio Manuel, en présentant à chaque fois ses albums aussi éblouissants que indispensables. Ce nouvel album ne déroge pas à la règle et Manu nous offre encore une fois toute l’étendue de son talent et si vous aimez le blues, le vrai, celui qui sent les marécages et les déserts alors précipitez-vous sur cet incroyable album.
Comme pour chacune de ses sorties, j’ai posé quelques questions à Manu pour en savoir un peu plus.
Il s’agit de ton huitième album : Ocho !
Oui, le nom d’un album est toujours quelque chose de difficile à trouver. Dans tous mes albums j’ai essayé de « jouer » avec les chiffres et comme celui-là c’est mon huitième album solo, je l’ai appelé « Ocho ! » tout simplement et parce que cela sonne bien.
Pour moi ton disque est plus folk, plus acoustique, moins blues et plus rock que le précédent.
J’essaye de suivre ma route en restant fidèle à ce que j’aime mais en ne faisant jamais la même chose. J’essaye vraiment de mettre une touche différente à chaque fois. J’aime beaucoup « the 7th Road » mon album précédent et j’avais peur de me « planter » avec celui-là. J’espère avoir réussi un beau disque mais ce n’est pas à moi de le dire et je n’ai pas encore suffisamment de retours pour avoir un début de réponse. Je ne sais pas encore si il est réussi. J’attends les réactions.
Tu as un son plus « Americana » avec beaucoup plus d’acoustique.
Je suis d’accord pour une grosse moitié de l’album. J’aime l’acoustique : c’est un ingrédient important dans le son et le mélanger avec de l’électrique j’adore ça. Ça marche très bien. L’album commence par de l’acoustique mais avec un morceau assez « rentre dedans » dans lequel j’ai mis des slides de guitares . Le deuxième est électrique, sur le troisième je refais de l’acoustique avant de faire un instrumental très rock’n’roll avec un côté Dick Dale ou Link Wray. Sur le 5 et 6 je suis électrique et après jusqu’à la fin on rebascule sur de l’acoustique.
Tu finis l’album sur un morceau qui est une ballade alors que tu as ouvert sur du rock ?
C’est une logique de présentation de l’album. Je savais juste que je voulais terminer sur un morceau calme. La progression de l’album, c’est un truc vraiment compliqué. Il faut donner envie aux gens de l’écouter jusqu’au bout.
Sur cet album as-tu essayé plein de guitares différentes ?
J’essaie toujours de mélanger des sons de guitares, j’aime trop cet instrument. J’en ai beaucoup et je pioche souvent dedans. Il y a la Gretsch 6120 qui est toujours là parce que c’est un son que j’apprécie depuis plusieurs albums, mais il y aussi des Fender, une Gibson 335, des acoustiques… J’ai mélangé pas mal de trucs… mais comme beaucoup de guitaristes. Je n’invente rien !
Il y a un instrumental ?
J’en avais déjà fait un sur mon deuxième album « Atacama Surf ». Pour l’anecdote, après ce disque je me suis baladé en Amérique Centrale et j’en distribuais pas mal en espérant trouver un deal là-bas. Une Web Tv de Miami, qui retransmet des épreuves de Kite-surf, a mis ma musique sur une de ses compétitions. Ça a été vu 100 000 fois ! Je n’ai rien touché. Ils avaient juste mis « avec l’autorisation de Tio Manuel ». J’étais fier mais un peu furax quand même !
Sur cet album il y a ton groupe habituel ?
Oui, Gilles Fegeant au dobro sur deux titres, Rudy Serairi à la basse et Christophe Gaillot à la batterie. Bon, c’est un peu compliqué parce que moi maintenant j’habite en Bretagne et le groupe est à Paris. Je fais des aller-retours à Paris pour répéter…
Tu as aussi des invités sur le disque ?
J’ai toujours eu des invités sur mes disques. Là, j’ai d’abord eu envie de mettre des chœurs féminins. J’ai invité des amies choristes à chanter sur des morceaux : Laura Bernstein et Sofia Miguelez. Laura, je l’ai connu parce qu’elle chante avec mon fils Arthur, qui est guitariste. Je l’ai vue à un concert. J’ai aimé sa voix et je lui ai proposé de participer à mon disque. Elle chante parfaitement bien en anglais ou en français mais pas en espagnol. Elle s’est donc occupée des chœurs en anglais. Pour l’espagnol, j’ai fouillé dans ma mémoire et je me suis rappelé de Sofia, qui chante et joue de l’accordéon, une très grande artiste. Elle vit maintenant en Espagne et grâce à internet on a pu travailler à distance.
Il y a deux autres musiciens : Mat Le Rouge au saxophone et Slim Batteux aux claviers.
Mat, c’est un super musicien qui a joué sur trois titres. Il double ma guitare sur « The Moment » et cela donne un son incroyable !
Et Slim Batteux !
Un immense musicien ! À la base c’est, mon pote, James Leg qui était censé jouer sur ce disque, vu qu’il était très bien intervenu sur le précédent. Mais il vit entre l’Europe et les USA et là il ne pouvait pas venir parce qu’il était justement en Amérique. Ca m’a désolé parce que j’adore travailler avec lui. Rudy (Serrari, NDLR) m’a proposé Slim Batteux. Je n’y croyais pas : ce mec est immense ! Il a été adorable et quand tu vois son CV (Percy Sledge, Ray Charles, entre autres), tu dis bravo ! Franchement, ça a été super. C’est ça que j’aime dans la musique : que tu sois connu ou pas, c’est une grande famille !
Tu as encore un texte de Ian Ottaway, avec qui tu as fait un album et qui a participé à ton dernier album ?
Oui, il m’avait envoyé plusieurs textes pour the 7th road , dont « Assassination Machine » que j’avais mis dans un coin parce que je n’étais pas inspiré. Finalement, je pense être arrivé à quelque chose de correct cette fois ci. J’aime beaucoup ce titre. Il est différent de ce que j’ai fait avant.
Tu as fait aussi une reprise du Bob Dylan ?
Oui, c’est un de mes nombreux maitres. J’ai déjà fait des reprises sur mes précédents albums. J’ai écouté pleins de trucs et j’essaye de reprendre des titres qui m’ont marqué. J’aimais ce morceau. J’adore sa manière d’écrire, sa diction, sa façon de poser les mots… Mais, je ne suis pas le seul, n’est ce pas ?
J’ai lu que tu avais commencé ce disque au Chili en 2019 ?
En fait, je suis arrivé au Chili en pleine période de révolte sociale. On est parti aussitôt dans la Pampa. Ça m’a inspiré. Il y a des endroits, près du pacifique où tu as l’impression d’être totalement ailleurs, dans un espèce de No Man’s Land et c’est impressionnant avec le vent et les rochers. Je me suis dit qu’il fallait que j’écrive des choses dessus. J’avais un carnet et j’ai commencé à écrire « Pasando Chanaral ». Tu avais des vautours, des rochers noirs… Tout ça est ressorti au moment du Covid, où j’ai commencé à composer les premiers titres de ¡Ocho ! et l’album de Crocodile Candy..
Tu aimes ça les déserts !
Oh oui, je suis inspiré par les déserts.
Ta musique inspire l’espace !
Il y a deux ingrédients dans ma musique : le côté urbain de la ville où j’ai vécu, et le désert espagnol, d’où ma famille paternelle est originaire. J’ai aussi travaillé en Arabie Saoudite où le désert est très présent. Il y a un truc spécial dans le désert : tu t’assois, tu es seul, tu te laisses embarquer dans tes pensées et tu oublies le temps… J’aime ça ! Ma musique a besoin de cet espace. J’habite au bord de la mer maintenant, c’est autre chose mais ce n’est pas si différent… je pense.
Tu vas bientôt jouer ?
Je commence à avoir des dates de mi-avril à fin octobre : Paris le 28 avril. J’ai aussi Nantes, Rennes, Dinan, des festivals cet été et j’ai des options. Je m’y suis pris tard et comme je fais tout, tout seul ça prend du temps.
Tu travailles encore tout seul ?
Oui, je suis obligé, sinon il ne se passerait pas grand-chose.
Tu as enregistré cet album au studio Garage avec Bernard Natier.
Oui, comme d’habitude il a fait un super boulot. Il fait partie du groupe, pour moi, comme le studio Garage d’ailleurs.
C’est distribué par la Fugitive ?
Oui, en partenariat avec mon association qui est devenue aussi mon label.
On peut le trouver où le disque ?
Je voulais être distribué sur les gros réseaux habituelles mais les distributeurs te prennent tellement d’argent que ce n’est pas la peine. Je suis sur Bandcamp et sur toutes les plateformes grâce à Believe. On peut trouver le disque en version Vinyl et CD sur mon Bandcamp, via mon site et aux concerts.
Tes projets ?
Jouer, faire des concerts…
Tu t’attaques à ton nouvel album ?
Non, je viens de déménager et je dois finir d’installer ma maison. Mon home studio est dans des cartons et mes guitares dans des boxes. Je veux d’abord jouer en concert et installer mon studio. Ensuite, avec le bord de mer, l’inspiration va venir (rires).
Est-ce que le fait de t’installer en Bretagne, t’as fait redécouvrir la culture gaélique qui est aussi présente en Espagne ?
Oui, mais depuis peu parce que cela se passe au nord de l’Espagne et j’allais toujours dans le sud, terres de ma famille. J’y suis allé au début des années 2000 et là, j’ai fait la connexion. Tu retrouves l’esprit Celte.
Tu passes aussi sur des radio étrangères ?
Oui, au Canada, en Espagne , en Angleterre, Italie, US, Kebra fait du bon boulot !
Ta musique est parfaite pour le sud des USA ou le nord du Mexique.
Oui, mais il faut y aller et en plus ils ont du monde là-bas. Ils n’attendent pas Manu Castillo (rires). Je vais me concentrer sur la France et autour (rires).
Le mot de la fin ?
Je suis pressé de jouer et merci François !